CGT du Crédit Agricole Des Savoie

«ÇA VA MAL FINIR»

Le titre sonne comme celui d’une nouvelle de Raymond Carver dont chaque texte est comme un condensé vivant autant qu’une vie condensée. Certes, François Léotard n’a pas le talent de l’écrivain américain qu’en cette rentrée littéraire les éditions de l’Olivier ont la bonne idée de rééditer. Reste que dans cet opuscule paru chez Grasset en 2008, l’ancien champion du défunt parti républicain fait montre d’un sens aigu de la formule. Confessant avoir voté pour Nicolas Sarkozy mais dormir mal depuis, cet exilé de la politique fait ses pâques sur le dos de son ancien compagnon en balladurisme.

«Sarkozy, écrit-il, ne parle pas de la police. Il est la police. Il est l’ordre. L’ordre seulement, mais l’ordre complètement […) Il semble que la séparation des pouvoirs lui soit une énigme. Si l’on rend la justice Place Beauvau, ce sera plus rapide. Et surtout plus près de l’Elysée... »

Reconnaissons à l’ancien ministre — de la Défense mais aussi de la Culture — une disposition certaine pour la prémonition. Commencée dans la confusion d’un vote bâclé à l’Assemblée, la semaine passée s’est poursuivie par un dîner de fiel à Bruxelles avant de s’achever par de nouvelles propositions judiciaires — aussi incongrues qu’inapplicables — du boutefeu du président et actuel locataire de la Place Beauvau. Au coeur de tous ces événements, la démocratie. Ou plutôt quelque chose comme son délitement voire même son déni pur et simple. Pierre Rosanvallon, professeur d’histoire moderne et contemporaine au Collège de France, le rappelle opportunément dans un entretien publié dans Le Monde du 21 septembre dont nous ne saurions trop recommander la lecture.
L’auteur de La légitimité démocratique souligne, par exemple, que si l’élection donne une légitimité à gouverner sur la durée du mandat, celle-ci se joue aussi sur le terrain du contenu des décisions.

Or, ajoute Pierre Rosanvallon, «le pouvoir présidentiel actuel confond en permanence légitimité de nomination et légitimité de décision».                               Bref il fait comme si la démocratie et l’élection n’étaient rien d’autre que la légitimation du chèque en blanc. La réforme de la retraite en est un bon exemple. C’est si vrai, qu’on a ainsi vu un Premier ministre expliquer benoîtement à la télévision, le soir du 7 septembre, qu’il n’y avait pas lieu de continuer à discuter avec les syndicats de la réforme, dès lors que ces derniers s’opposaient au report de l’âge légal de départ en retraite...
Singulière conception de la négociation, voire même de la concertation, qui fixe d’abord les conclusions avant même d’examiner les termes du débat.
C’est que «dans la vision sarkozienne, les syndicats sont des institutions particulières de la société civile, alors que le pouvoir d’Etat se prétend le seul représentant de la généralité sociale».
Eh bien ce n’est pas vrai, nous dit le bon connaisseur de la question syndicale qu’est Pierre Rosanvallon: «Il y a une forme de représentation du monde social organisé (les syndicats), mais aussi du monde social diffus (les manifestations) qui vaut représentation démocratique légitime». Autrement dit, on ne saurait faire comme si la légitimité électorale absorbait toutes les autres formes de légitimité et de représentation. A la veille d’une journée nationale de grèves et de manifestations, voilà qui vient conforter le mouvement social. Ce ne sont pas encore Les vitamines du bonheur, chères à Carver, mais l’assurance, déjà, que tout n’est pas fini.  

 

COMME SI LA DÉMOCRATIE ET L’ÉLECTION N’ÉTAIENT RIEN D’AUTRE QUE LA LEGITIMATION DU CHÈQUE EN BLANC

 

la chronique de JF JOUSSELIN



26/10/2010
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