CGT du Crédit Agricole Des Savoie

Réforme(s): Quel avenir pour l’AGIRC?

 

En 2010, les partenaires sociaux doivent négocier sur les retraites complémentaires. Au coeur de la négociation : le dispositif AGFF (Association pour la gestion du fonds de financement) qui permet de financer la retraite à soixante ans à taux plein, à I’Agirc et à l’Arrco.

 


Quelle est aujourd’hui la santé financière de l’Agirc?

 

Depuis 2003, l’Agirc connaît ce que l’on appelle un « déficit technique », c’est-à- dire que les cotisations ne couvrent pas les allocations versées. Jusqu’à la fin de l’année 2008, les transferts provenant à la fois de l’Arrco et de l’Agff permettaient d’équilibrer le régime complémentaire des cadres. Cela a changé sous l’effet de la crise économique. La montée du chômage et la pression sur les salaires ont pesé sur les ressources, aggravant le déficit de l’Agirc. Du coup, les transferts évoqués ne suffisent plus, et l’Agirc est aujourd’hui obligée de puiser dans ses réserves financières.

Dans ce contexte, quel impact les réformes en discussion en 2010 peuvent-elles avoir?
Le projet du gouvernement et du Medef est de parvenir à la fusion de tous les régimes de base des secteurs privés et publics pour constituer tin régime unique fonctionnant à cotisations définies. Cela donne un argument supplémentaire à ceux qui ont toujours souhaité une intégration de l’Agirc au sein de l’Arrco en vue de créer un pôle unique de retraite complémentaire. Or l’Agirc a été créée pour permettre aux cadres de se constituer une retraite tout entière en répartition. Sa suppression risque purement et simplement de les détourner de notre système de retraite solidaire. En effet, la fusion de l’Agirc et de l’Arrco, voulue par le Medef mais aussi portée par la Cfdt, viserait à faire financer les dépenses retraites en mettant en commun les ressources des deux régimes. Dans la mesure où, aujourd’hui, les comptes de l’Agirc sont plus déséquilibrés que ceux de l’Arrco, cela affaiblirait l’Arrco, elle-même entrée dans une phase de déficit technique avec la crise économique. Nous aboutirions alors au scénario suivant : dans un premier temps, une baisse drastique des retraites versées aux cadres, car il serait inacceptable de les maintenir en sacrifiant le niveau des retraites des non-cadres ; dans un second temps, une baisse des retraites complémentaires non cadres pour ajuster les pensions aux ressources du nouveau régime. Celui-ci abandonnerait ainsi l’objectif de maintenir un taux de remplacement du salaire par la retraite. C’est-à-dire de fonctionner à « prestations définies », pour fonctionner à ressources constantes, à « cotisations définies ». C’est exactement le changement de système voulu par le gouvernement et le Medef, changement que nous récusons. L’Agirc doit et peut s’autofinancer pour garantir aux cadres la continuité de leur niveau de vie, d’abord lors du départ en retraite, pendant toute sa durée ensuite. Si elle ne le fait pas, les cadres se tourneront vers les dispositifs de capitalisation à la française dans l’espoir de limiter le décrochage de leur niveau de vie. Sauf que les produits en question ne sont pas des dispositifs de protection sociale : l’épargne est investie sur les marchés financiers et en subit tous les aléas. Nul n’a la garantie de récupérer son épargne, ne fût-ce qu’en partie.

Quels seraient les effets de cette fusion sur le statut de l’encadrement?
Un coup sérieux lui serait porté. Aujourd’hui, l’affiliation à l’Agirc s’opère exclusivement sur des critères de qualification professionnelle et de classement dans les grilles conventionnelles, un système qui disparaîtrait en cas de fusion des régimes. Ce qui correspond à un des objectifs du Medef : ne plus rémunérer les qualifications mais les compétences, et de préférence les seules compétences utilisées. C’est pourquoi un régime de retraite complémentaire unique est demandé par le Medef depuis le début des années 2000. Mais d’autres effets pour les cadres seraient à prévoir. Parmi eux : la suppression de la garantie minimale de points (Gmp), un système qui n’existe pas à l’Arrco et qui permet d’acquérir chaque année, moyennant une cotisation forfaitaire, un minimum de 120 points par an. Il s’adresse pour l’essentiel aux cadres dont le salaire est inférieur au plafond de la Sécurité sociale: 2 859 euros brut par mois aujourd’hui. Ils étaient moins de I % dans ce cas en 1947, 3 % en 1973, 14 % en 1988, 20 % de nos jours. Sans ce dispositif, ces cadres ne pourraient pas se constituer des droits à retraite à l’Agirc, car on n’y cotiserait qu’au-dessus du plafond. Voilà qui leur serait très préjudiciable : pour une carrière complémentaire à la Gmp, le droit à retraite est de 2 000 euros par an, ce qui est loin d’être négligeable.

 


En mars 2009, les partenaires sociaux parvenaient à un accord sur les retraites complémentaires, signé par toutes les organisations syndicales, à l’exception de la Cgt. Que dit cet accord sur ces questions? Quelle est la position de l’Ugict-Cgt?

 

Dans son article 5, cet accord prévoit notamment d’engager « une réflexion sur l’adaptation des régimes Agire et Arrco propre à l’encadrement». C’est la première fois que ce projet est formalisé par écrit. Mais, derrière cette idée, il y a des conceptions totalement différentes selon les organisations. Pour la Cgt, l’Agirc s’étant toujours développée solidairement avec l’Arrco, il est hors de question que le problème de la retraite des cadres soit à l’avenir réglé au détriment des autres salariés. L’Ugict revendique donc le maintien du régime de retraite des cadres Agirc dans sa forme actuelle, c’est-à- dire celle d’un régime auquel les salariés sont affiliés selon leur niveau de qualification et non selon leur salaire, ce qui exige le maintien, également, de la garantie minimale de points. Nous proposons des mesures de financement immédiates de ce régime, permettant d’assurer, hors transfert de l’Arrco mais avec celui de l’Agff, son équilibre financier à l’horizon 2015. Parmi elles un élargissement de l’assiette des cotisations aux primes d’intéressement et de participation et plus généralement à tous les éléments de rémunération des cadres non soumis aujourd’hui à des cotisations sociales. Nous demandons enfin l’arrêt immédiat de toute baisse du rendement Agirc, comme évidemment du rendement Arrco, par l’indexation de la valeur du point de retraite dans chacun des deux régimes sur les salaires et non plus sur les prix, comme c’est le cas à l’heure actuelle.

La fusion des régimes sur la base d’un système fonctionnant à cotisations définies n’est qu’une partie du projet. La volonté du gouvernement et du Medef est aussi de parvenir à un recul de l’âge de départ à la retraite. Est-ce inéluctable pour des raisons démographiques?
Les organisations syndicales refusent toute nouvelle baisse du niveau des droits à retraite. Le Medef refuse d’apporter de nouvelles ressources financières. Il ne resterait plus alors qu’un seul levier à faire jouer l’âge de départ à la retraite. Le Medef veut ainsi le porter à 63,5 années dès le 1er janvier 2012. Mais il faut revenir sur l’idée qu’on ne peut pas financer les retraites par répartition en raison des évolutions démographiques. Des mesures de financement existent, comme nous l’avons évoqué plus haut pour l’Agirc. A plus long terme, le Conseil d’orientation des retraites (Cor) a lui-même démontré qu’il est possible de financer, à l’horizon 2040, des retraites au même niveau que celles de 2000, sans pour autant empêcher le pouvoir d’achat des populations actives de progresser. Par ailleurs, l’ugict-Cgt propose de raisonner en termes de carrière complète pour ouvrir le droit à la retraite dès soixante ans. Serait « complète » une carrière qui ne comporte, entre la fin du secondaire et soixante ans, que des périodes de travail, d’inactivité subie ou des temps de formation, initiale et continue. D ’où notre revendication de « validation des années d’études, également portée par des organisations étudiantes comme l’Unef. Enfin, du point de vue de l’âge de départ à la retraite, les régimes de retraite complé- mentaire présentent aussi une situation particulière. Ils fonctionnent avec l’Agff, un dispositif qui permet de financer les départs à taux plein entre soixante et soixante-cinq ans dans ces deux régimes. Ce dispositif est en permanence menacé. L’accord conclu en mars 2009 entre les partenaires sociaux a certes reconduit l’Agff, sous la pression des fortes mobilisations sociales du premier trimestre, mais jusqu’au 31 décembre de cette année seulement. Les négociations Agirc-Arrco dc 2010 seront donc déterminantes, tant pour l’âge de départ à la retraite que pour le niveau des futurs droits, mais aussi pour la confiance de l’encadrement dans le système par répartition.

 

 

Article repris de la revue Options janvier 2010, avec l’autorisation de l’auteure et de la rédaction de la revue



26/10/2010
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