CGT du Crédit Agricole Des Savoie

LECONS TUNISIENNES

Rarement sans doute un gouvernement aura failli a ce point à la réputation du pays des  droits de l’homme.

Non content d’avoir des années durant ignoré les exactions du régime tunisien, il aura, en pleine répression sanglante, délégué sa ministre des Affaires étrangères pour recevoir un envoyé du despote et lui proposer un «savoir-faire » policier en matière de maintien de l’ordre. Difficile de faire pire.

 Dix jours après le renversement de Ben Ali on attendait donc avec quelque impatience la conférence de presse élyséenne consacrée aux questions in internationales. C’est peu dire qu’on fut effaré. Certes, le président concéda n’avoir pas pris la juste mesure de la situation et des aspirations do peuple tunisien. Il s’est même dit aveuglé par les réussites du pays. Mais pour tout aussitôt mettre sur le compte d’une pudique réserve anticoloniale le silence de la France, et se camper en quasi-clandestin de la cause démocratique tunisienne. L’opposition était non seulement «accueillie» mais aussi «protégée» par la France nous expliqua-t-il, <et ça m’a été suffisamment reproché par les autorités tunisiennes»...

Sacré culot. Qui n’efface pourtant ni la cécité ni la surdité dont a fait preuve le gouvernement. Lesquelles ont évidemment beaucoup à voir avec une certaine conception de la démocratie qui a cours chez nous. Oublieuse de la dignité, de la justice, volontiers ignorante du peuple dont elle devrait pourtant procéder, elle connaît aussi une dérive oligarchique qui sape ses fondements. Au point qu’on peut se demander si, outre les liens personnels et les petits cadeaux qui entretiennent l’amitié, la non-démocratie tunisienne et la démocratie française ne partageaient pas quelques convictions communes. Comme, par exemple, cette nécessité de «déculpabiliser l’argent » qui assura la promotion des plus riches et le règne des plus goinfres de part et d’autre de la Méditerranée. Rien d’étonnant donc à ce que le gouvernement n’ait rien vu venir puisque Ben Ali ne vit rien non plus...

Reste que ce qui vient de se produire en Tunisie ne relève guère de la prévision. Sans doute aura-t-on demain le sentiment que les événements qui firent notre étonnement répondaient à une impérieuse nécessité. Reste qu’à l’instant de son déclenchement, la « révolution » se déploie toujours sous le signe de «l’événement». C’est-à dire de l’imprévisible, pour ne pas dire de l’inouï : les mots qu’elle a soudain libérés semblaient encore imprononçables quelques instants plus tôt. Et le courage qu’elle supposait, inconcevable. Et la victoire qu’elle espérait, invraisemblable.

C’est sur cette étrange alchimie qui transforme le mécontentement en soulèvement et qui fait passer de l’indignation à l’acte que s’interrogeait déjà Kropotkine, prince russe, géographe et théoricien de l’anarchisme. « Par quel enchantement ces hommes, que leurs femmes traitaient hier avec raison de lâches, se sont-ils transformés aujourd’hui en héros, qui marchent sous les balles et sous la mitraille à la conquête de leur droit? Comment ces paroles, tant de fois prononcées jadis et qui se perdaient dans l’air comme le vain son des cloches, se sont-elles enfin transformées en actes ?»

L’interrogation qui vaut aujourd’hui comme hier n’a évidemment pas de réponse.

Elle témoigne simplement que le courage de demander un droit juste n’advient pas aisément.

Elle témoigne surtout que, malgré tout, le sujet de liberté, le désir de justice, le caractère intempestif de la voix du peuple ne sont pas morts.

Et c’est une excellente nouvelle.

 



25/02/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 27 autres membres