CGT du Crédit Agricole Des Savoie

TRAITE TRANSATLANTIQUE contre les peuples, l’environnement et la démocratie ( CGT mai 2014 )

Le grand marché transatlantique et nos droits sociaux


La volonté de créer un grand marché transatlantique se résume de plus en plus clairement à un
grand agenda de libéralisation des deux économies, américaine et européenne. Ceci implique le
danger de répéter les lacunes qui présidaient à la création du Marché commun européen par le
Traité de Rome en 1957 : ouverture des marchés et frontières uniquement dans une perspective
économique et financière. Il y a 57 ans, la dimension sociale était complètement absente. Nous,
Européens, citoyens de l’Union Européenne, ressentons les conséquences de cette décision jusqu’à
aujourd’hui. L’UE, avec un volet social faible et dépourvue d’harmonisation fiscale et de gouvernance
économique, s’avère être une machine à mettre les travailleurs des pays membres en concurrence
entre eux et un fer de lance du dumping social.
Les risques de refaire les mêmes erreurs 60 ans après, mais cette fois à l’échelle transatlantique, sont
bien réels :
• Droits fondamentaux du travail
Les États-Unis n’ont ratifié que deux des huit normes fondamentales de l’OIT, tandis que tous
les pays membres de l’UE les ont ratifiées. Il semble raisonnable d’exiger comme condition
pour la signature d’un traité de libre-échange que d’abord l’ensemble des normes
fondamentales du travail soient ratifiées, appliquées et surveillées par les deux parties
signataires. Le traité doit ensuite engager les deux parties à ratifier, mettre en œuvre,
appliquer et surveiller l’ensemble des instruments à jour de l’OIT, ainsi qu’à se conformer à la
jurisprudence qui s’y réfère, et ce dans un délai de moins de dix ans après la signature de
l’accord de libre-échange.

• Droits de représentation collective des travailleurs
Alors que la logique de marché transatlantique implique un effacement total des barrières à
l’échange entre les deux continents pour les marchandises, les décisions d’implantation des
sites de production se feront sur les critères de coût, et les firmes multinationales statueront
de manière centralisée. Or, les droits de participation des travailleurs, les fameux droits à
information/consultation des comités d’entreprise, continueront de s’arrêter aux frontières.
Le rapprochement transatlantique équivaut à cet égard à un amoindrissement du droit des
travailleurs, pourtant garantis dans les constitutions Européennes et dans la Charte des
droits fondamentaux.

• Normes et standards techniques
La majeure partie des harmonisations américano-européennes soumise à négociation se
situe dans le domaine des normes et standards techniques, considérés comme « barrières
non-tarifaires ». Or, la philosophie derrière l’approche européenne de normalisation est très
différente de l’approche américaine. En Europe, l’évaluation des risques ex-ante (principe de
précaution) préside à la régulation, tandis qu’aux États-Unis, l’évaluation se fait ex-post, avec
une garantie de prise en charge des conséquences (class action, indemnisation pécuniaire).
En Europe, le risque pris en considération ne se limite pas aux dangers que le consommateur
pourrait courir, mais aussi aux implications pour les conditions de travail et la santé et la
sécurité au travail – ce qui est absent aux États-Unis. L’harmonisation comporte dès lors
plusieurs dangers. Premièrement, l’affaiblissement du principe de précaution,

sans que pour autant la prise en charge de cette absence de protection soit instaurée en échange ;

ensuite,bien sûr la possibilité d’offrir un choix entre deux systèmes de normalisation, un choix qui 

s’opérerait sur la base des coûts uniquement, puisqu’effectué par des acteurs économiques ;
et finalement, un recul possible de la protection des travailleurs.
Qui plus est, les négociateurs s’apprêtent à mettre en place un conseil de coopération
réglementaire transatlantique, qui échapperait totalement au contrôle démocratique et au
regard des syndicats, mais qui aurait la compétence d’édicter de nouvelles normes
transatlantiques.

• Liberté de circulation des personnes
Alors que l’ensemble des circulations des biens et des moyens financiers devra être
libéralisée, la circulation des personnes n’est envisagée que sous forme de « prestation de
service mode-iv » soumis à la règle du pays d’origine, de transfert intra-groupe, ou de
tourisme. La mobilité et la migration ne sont considérées que par le biais de l’intérêt
économique que le déplacement des travailleurs peut apporter. Le droit fondamental de la
liberté de circulation n’apparaît nulle part. Il serait pourtant logique et conséquent de
libéraliser la circulation des personnes de la même manière que celle des biens ou moyens
financiers, en garantissant une égalité de traitement et des droits et une application de la
législation du lieu de travail.

• Développement durable
Les traités de libre-échange comportent traditionnellement un chapitre dit de
« développement durable » qui englobe des dispositions du domaine du droit social et du
travail, de l’écologie, de la protection du climat et du droit des animaux, et du monde rural.
Notre expérience syndicale nous apprend à être extrêmement circonspects vis-à-vis d’une
telle approche. Contrairement aux autres chapitres de ces traités, aucun mécanisme de
résolution des conflits et aucune possibilité de sanctions en cas de violation du traité n’est
prévue. Par ailleurs, la rédaction des articles relatifs au sujet du droit social est peu détaillée,
et n’offre que très peu de possibilités de mise en œuvre – contrairement à l’ensemble des
articles traitant de la matière économique et technique qui sont très élaborés et offrent la
possibilité de sanctions en cas de violation.

• Service public
Les négociations semblent s’orienter actuellement vers une ouverture à la privatisation du
service public par une technique dite de « liste négative ». Ceci consiste à lister l’ensemble
des services publics qui ne sont pas ouverts à la privatisation et soumis à la concurrence –
sous-entendant bien sûr que tous les services non mentionnés explicitement le seront. Or,
dans le passé, l’expérience nous a enseigné que des problèmes de définition ou de
formulation ouvrent des portes dérobées à une privatisation au-delà de ce qui était prévu
lors de la négociation, et que tout type de service qui émerge pour répondre à des besoins
nouveaux serait automatiquement de nature privée, car non inclus dans la liste négative.
La CGT reste attachée, bien entendu, au maintien du service public, et s’oppose à la
privatisation fut-elle à travers une approche d’une liste négative ou une « liste positive »,
autre technique parfois utilisée dans les traités de libre-échange. Cette dernière trouve
parfois une acceptation parmi quelques syndicats en Europe parce qu’elle consiste à lister

explicitement et seulement les types de service qui sont ouverts à la privatisation, à
l’exclusion de tout autre. Ceci protègerait contre tout imprévu, et demanderait une
renégociation pour des nouveaux services qui pourraient émerger à l’avenir. La CGT ne
partage pas cette vision des choses.

• Mécanisme de règlement des différends investisseur/État (« ISDS » dans son sigle anglais)
La Commission européenne et les négociateurs américains affichent la volonté ferme
d’inclure des dispositions de ce type dans le futur traité de libre-échange transatlantique –
même si en ce moment la Commission européenne fait jouer la montre en ouvrant une
consultation publique sur le sujet (élections au Parlement Européen obligent).
L’adoption d’une telle disposition viderait la totalité des garanties obtenues dans le texte du
traité de son sens, car n’importe quel investisseur (c’est-à-dire une entreprise qui ouvre un
site de production ou une filiale de l’autre côté de l’Atlantique) pourrait prétendre que toute
nouvelle loi violerait ses droits à la propriété privée, et serait assimilable à une expropriation
indirecte ou à une distorsion de concurrence. Les syndicats craignent (car des exemples de
telles pratiques existent malheureusement) que cela amènerait un recul considérable pour la
protection des droits des travailleurs, et s’opposent fermement à ce mécanisme de
règlement des différends investisseur/État.

• Les syndicats exigent vis-à-vis des négociations en cours entre les États-Unis et l’UE

l’amélioration partout, et l’harmonisation par le plus haut niveau atteint les droits et protections

des travailleurs, peu importe leur lieu d’activité ou statut. Ceci implique une amélioration

des droits à participation des travailleurs, ainsi qu’une clause explicite interdisant l’abaissement

des protections (sous prétexte de compétitivité ou autre). 


• Pour assurer le maintien de l’acquis social, une clause de la nation la plus favorisée pour la
matière sociale est nécessaire dans les traités commerciaux – mais à ce jour encore jamais

incluse dans les traités existants.

Mai 2014



27/05/2014
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