CGT du Crédit Agricole Des Savoie

LA CLAIRVOYANCE N'A PAS D'AGE

La citoyenneté, qui n'est ni la nationalité ni la majorité (civile), n'a pas d'âge, elle appartient à tous, aux lycéens et aux étudiants comme aux salariés (dont certains sont d'ailleurs très jeunes, on les voit clairement aux premiers rangs des cortèges de syndicats de travailleurs).

Leur mobilisation dans la rue, ce n'est donc pas une question de légalité qui est posée, mais plutôt de "légitimité de présence". Pour dire les choses autrement, la jeunesse a-t-elle raison, une raison sérieuse, de manifester ?

Le gouvernement et le chef d'Etat en personne ont rapidement conclu que les jeunes n'avaient pas à descendre dans la rue, qu'ils étaient trop jeunes pour cela, qu'il y avait des risques de débordements, d'incidents, et puis d'abord qu'ils n'étaient pas concernés par la réforme des retraites (sic !).

Voilà bien des maladresses de langage, et bien sûr de pensée, qui ne pouvaient être perçues par les jeunes que comme autant de provocations, et donc d'incitations à agir. Ainsi, si l'on avait voulu les jeter massivement dans la rue, le pouvoir n'aurait pu trouver meilleure façon de procéder.

Pourtant, c'est ce même pouvoir qui reproche, aujourd'hui, à la gauche d'instrumentaliser les jeunes. C'est bien mal les connaître que de penser qu'ils puissent agir "sur ordre", se laisser manipuler, comme de simples marionnettes.

Je reviens un instant en arrière. A 16 ans, l'on serait, dit-on, trop jeune pour manifester. Mais le gouvernement est ici en pleine contradiction avec lui-même. Comment comprendre en effet que des jeunes de 16 ans, qui sont déjà autorisés à signer un contrat de travail, à adhérer à un syndicat professionnel de leur choix, à effectuer un service civique, qui pourront bientôt diriger une association et même devenir entrepreneurs, soient, dans le même temps, quasiment "interdits" de rue, au motif qu'ils ne seraient que des "enfants" (selon le mot même de Nicolas Sarkozy) ?

Cela n'a aucun sens. A 15 ou 16 ans, et même avant, on sait réfléchir, raisonner (la fameuse pensée abstraite de Jean Piaget). Bref, on a de la maturité, des capacités d'argumentation. Il suffit d'écouter les propos des lycéens pour s'en convaincre définitivement. Mais venons-en aux raisons (multiples) qui conduisent aujourd'hui les jeunes à se mobiliser de plus en plus ?

 

La jeunesse manifeste parce qu'elle a peur, peur du présent, peur de l'avenir, et, à regarder le chômage et la précarité qui la frappent ou l'attendent, elle a bien raison d'avoir peur.

Seul le réactionnaire ex-ministre, et pour le coup fort peu "philosophe", Luc Ferry, est capable de dire que le sort des jeunes n'a jamais été aussi enviable qu'aujourd'hui, que c'était autre chose au temps de l'occupation ou des tranchées en 14-18.

Certes, les jeunes générations passées ont dû affronter de terribles conflits, mais ceux-ci ont toujours fini par s'achever. C'est autre chose avec la "guerre économique mondiale" qui frappe l'Occident depuis bientôt quarante ans, et au premier chef décime les jeunes, boucs émissaires idéaux, une guerre dont personne ne voit l'issue. Bref la jeunesse, qui a de réels et graves problèmes, exprime bien dans la rue, avec beaucoup de lucidité, sa formidable inquiétude.

Elle manifeste encore pour se sentir collectivement exister, par désir aussi d'être reconnue socialement. Elle manifeste enfin parce qu'elle sait que la réforme des retraites (que l'on dit faite pour elle) risque au contraire de la pénaliser lourdement - à long terme certes (à cet égard, l'on a si souvent dit de cette jeunesse qu'elle était imprévoyante que l'on devrait se féliciter, au contraire, de la voir s'intéresser à ce problème, futur pour elle, mais néanmoins gravissime).

Les jeunes n'ignorent pas, en effet, que des vieux plus longtemps au travail, ce sont eux plus nombreux et plus longtemps au chômage.

Pour terminer, je dirai ceci. S'il est de la responsabilité des organisations lycéennes et étudiantes, en concertation avec leur base, de fixer le cap et les modalités de la lutte, c'est le rôle, et même le devoir des forces de gauche et progressistes, de rappeler aux jeunes qu'ils ont le droit de défendre leurs droits menacés, présents et à venir, par tous les moyens démocratiques qu'ils jugent appropriés. Le droit de manifester est l'un de ces droits.

C’est le rôle et même le devoir pour les adultes, salariés et  citoyens que nous sommes de descendre dans la rue pour défendre les droits et l’avenir de nos enfants.



22/10/2010
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